CRIPS ÎLE-DE-FRANCE

Accorder des libertés, fixer des limites - Lettre aux parents #5

Cette lettre, parue en 2019, est proposée par Addictions Suisse et adaptée par le Respadd et le Crips Île-de-France.

À l’adolescence, il est nécessaire que les parents accordent de nouvelles libertés et responsabilités à leur enfant qui a besoin d’acquérir son autonomie. Votre rôle de parent consiste avant tout à l’encourager à vivre de nouvelles expériences et à lui faire confiance. Toutefois, si vous encouragez votre enfant à être acteur de son avenir, il est important de lui donner des responsabilités et des tâches à sa mesure. Ainsi, votre rôle de parent consiste également à poser des limites à cette liberté nouvelle et à définir de nouvelles règles, à trouver le juste milieu entre autorité et tolérance, entre liberté et contrôle.

À propos 

Chers parents,

Être parents d’un adolescent ou d’une adolescente n’est pas toujours une chose facile, vous le savez bien !

Bien sûr, vous vous réjouissez de voir grandir votre enfant, et de lui ouvrir la porte du monde des adultes. En se développant, il s’affirme, revendique, prend son autonomie. Ces changements dans sa vie sont aussi des changements dans votre vie ! Et puis, il y a l’alcool, le tabac, le cannabis... Votre enfant en parle-t-il ? Est-il intéressé, en a-t-il déjà consommé, va-t-il en consommer ?

Toutes ces questions tournent dans la tête de beaucoup de parents. Nos lettres ne prétendent pas avoir des réponses toutes faites à vos préoccupations. Toutefois, il y a une chose à laquelle nous croyons : garder le lien, maintenir le dialogue sont essentiels. Nous espérons que les informations et conseils que vous trouverez dans ces lettres pourront y contribuer.

Accorder des libertés, fixer des limites

À l’adolescence, il est nécessaire que les parents accordent de nouvelles libertés et responsabilités à leur enfant. En effet, pour devenir adulte, votre enfant a besoin d’acquérir son autonomie. Votre rôle de parent consiste avant tout à l’encourager à vivre de nouvelles expériences et à lui faire confiance. Toutefois, si vous encouragez votre enfant à être acteur de son avenir, il est important de lui donner des responsabilités et des tâches à sa mesure.

Ainsi, votre rôle de parent consiste également à poser des limites à cette liberté nouvelle et à définir de nouvelles règles, à trouver le juste milieu entre autorité et tolérance, entre liberté et contrôle.

Poser un cadre

Face à un adolescent ou une adolescente, il n’est pas toujours aisé de dire « non » quand il le faut. Certains parents hésitent à exercer leur autorité sur leur enfant par peur du conflit, par crainte de le fâcher, de perdre son amour, voire de l’empêcher de s’épanouir. Pourtant, c’est le rôle des parents de poser des marques et des limites. Votre enfant a besoin de vous, de votre soutien, de votre affection mais aussi de votre fermeté pour construire son identité. Votre enfant a besoin d’une boussole pour s’orienter ; à vous parents de lui montrer les grandes directions.

Vous accordez des droits à votre enfant (droit de sortir jusqu’à une certaine heure, droit de se rendre à une fête...), mais les règles définissent également certains devoirs qu’il doit assumer (participation aux tâches ménagères, ordre à la maison, présence aux repas).

Les règles fixées doivent être claires et adaptées à l’âge de votre enfant. Ces repères lui permettent de se situer, parfois de s’opposer. C’est ainsi que votre enfant construit sa propre identité, par l’affirmation de soi, la gestion des frustrations, l’apprentissage des concessions, etc.

Il est indispensable que les parents soient fermes et servent de modèles pour les situations en lien avec le respect des lois et la sécurité physique. Pour les questions relatives aux règles de la vie quotidienne, il est du ressort de chacun de décider ce qui est négociable, ce qui l’est à partir d’un certain âge, et ce qui est non négociable.

Chaque famille définit ses règles autour de la télé, du téléphone, d’Internet, des jeux vidéo, des heures de coucher, de rentrée, des devoirs, des repas, des consommations, de l’habillement, de l’attitude en famille, etc. Certaines règles s’appliquent spécifiquement aux enfants, d’autres concernent tous les membres de la famille, et le respect de ces règles par les adultes est d’autant plus important que les parents montrent l’exemple à leurs enfants.

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Fixer des limites 

« Il cherche ses limites...», « Il repousse sans cesse les limites », « Il nous pousse dans nos limites ». Combien de parents pourraient parler ainsi de leur enfant ? Il est parfois fatigant de devoir sans cesse rappeler les règles, les défendre, les faire respecter. Quel parent ne rêve pas, parfois, de tout lâcher pour pouvoir souffler ? Pourtant un jeune a besoin d’avoir un parent cohérent et fiable sur qui il peut compter et qui va être garant du cadre déterminé. Ainsi, le ou les parents doivent tenir le cap malgré les orages. Néanmoins fermeté ne signifie pas rigidité. Ainsi on peut se rendre compte, après coup, qu’une limite fixée n’est pas adaptée, qu’elle est trop sévère ou pas assez. Il est important de garder de la souplesse, de pouvoir ajuster les règles à la situation et aux expériences. Un parent peut changer d’avis. L’essentiel est de pouvoir expliquer à son enfant pourquoi la règle change et éviter qu’il ne la perçoive comme arbitraire. Par exemple, une heure de rentrée peut être plus tardive si le jeune a congé le lendemain ou s’il sort chez des voisins.

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Que faire si les règles ne sont pas respectées?

Il n’est ni possible ni souhaitable que les parents contrôlent constamment l’application des règles données.

Lorsque vous constatez qu’une consigne n’a pas été respectée, il n’est pas toujours facile de décider d’une sanction, et encore moins lorsque vous le faites sous le coup de la colère, de l’inquiétude ou à bout de patience. Pour éviter de réagir à chaud, donnez-vous le temps de réfléchir avant de réagir et de décider de la punition. Il est parfois utile de déterminer à l’avance la punition en cas de non-respect d’une règle. Ainsi votre enfant sait à quoi s’attendre s’il désobéit, et cela peut influencer sa décision de se plier aux règles ou non. Cependant, vous ne pouvez – ni ne devez – déterminer à l’avance tout ce qui pourrait arriver.

Les sanctions prévues doivent être réalistes et ajustées aux circonstances. Les menaces en l’air ou les sanctions inapplicables ne servent à rien. Ainsi, inutile de menacer votre enfant de le mettre à la porte, sauf si vous êtes réellement prêts à prendre des mesures de placement hors de la famille.

N’oubliez pas de relever aussi les comportements positifs de votre enfant, afin de les renforcer.

« L’AUTORITÉ, C’EST D’ABORD DONNER DES AUTORISATIONS, AVANT DE DONNER DES INTERDITS. »

DANIEL MARCELLI, PÉDOPSYCHIATRE

Et les consommations d'alcool, de tabac ou d'autres drogues illégales?

L’adolescence est souvent l’âge des premières expériences : premières cigarettes, premières ivresses, premier joint... Que faire si votre enfant expérimente ces substances ? Quelles règles doivent être fixées à ce sujet ?

Tout d’abord, il convient de se rappeler – et de rappeler à son enfant – certaines limites fixées par la loi (voir Lettre aux parents No 3). Ensuite, il est nécessaire d’exprimer clairement votre positionnement. Par exemple «je ne souhaite pas que tu consommes des drogues » ou encore « je t’autorise à consommer de l’alcool dans certaines conditions ; avec un adulte à partir de 16 ans ». Que votre position soit claire : vous ne souhaitez pas que votre enfant consomme.

Votre enfant a besoin d’une position claire et argumentée de votre part. Dans la construction de son identité, il a besoin de pouvoir s’appuyer sur vos valeurs et se confronter à vos convictions.

Face à des consommations de tabac, d’alcool ou de drogues illégales, il est important que vous ne banalisiez pas ses expériences. Toute entorse aux règles demande une sanction et devrait s’accompagner d’un moment de discussion. En effet, il est important que votre enfant comprenne pourquoi vous ne souhaitez pas qu’il consomme. La punition décidée devrait responsabiliser votre enfant et être en lien avec le comportement puni. Ainsi, si votre jeune a fumé – ce qui est nuisible à sa santé – vous pouvez, par exemple, décider d’une punition en lien avec sa santé, comme une heure de sport, une excursion en montagne ou une heure de jardinage. S’il continue à gaspiller son argent pour consommer, vous pouvez réduire ses ressources disponibles.

Il est également important de ne pas dramatiser une consommation et, tout en appliquant une sanction proportionnée à la transgression, d’apprécier la situation de votre adolescent ou adolescente dans sa globalité: son âge, ses relations, sa scolarité, ses loisirs, sa manière d’être en famille, ses projets, etc.

 

Mon fils fume du cannabis

Je sais que mon fils fume de temps en temps un joint même si je ne suis pas d’accord. Je me demande si je devrais le laisser fumer à la maison pour éviter qu’il fasse de mauvaises rencontres ou ait des problèmes avec la police. Qu’en pensez-vous ?

Vous vous inquiétez pour votre enfant et vous êtes prêt à accepter une consommation à la maison pour éviter qu’il subisse des conséquences négatives liées à son comportement. Il est important que vous soyez cohérent : la consommation de cannabis est interdite et vous ne souhaitez pas que votre fils en consomme parce que c’est nocif pour sa santé et son développement. Vous devez affirmer clairement votre position et ne rien faire pour faciliter sa consommation, même si votre fils peut avoir des problèmes, notamment avec la justice. Il est important que vous définissiez aussi vos règles concernant cette consommation et les sanctions que vous prévoyez appliquer en cas de transgression. Votre fils a besoin de se sentir protégé par vous : pour éviter qu’il ne se mette en danger, il doit savoir que vous l’empêcherez de franchir certaines limites. Vous êtes son principal allié, ne devenez pas son complice !

Conseils et Suggestions

Autour des règles 

  • Discutez entre parents

    Élever un adolescent ou une adolescente peut mettre les parents à rude épreuve. Que vous viviez en couple ou séparés, vous n’êtes pas toujours du même avis pour répondre aux demandes ou poser des exigences à votre enfant. Un enfant se rend vite compte des désaccords entre les adultes et sait les utiliser en sa faveur. Ainsi, même si vous ne partagez pas le même point de vue entre adultes, il est important que vous essayiez de trouver un compromis entre vous pour que les limites soient claires pour votre enfant.

  • Déterminez ce qui est important

    Les occasions de discorde sont nombreuses avec les adolescents : habillement, langage, coiffure, ordre, temps passé au téléphone, Internet, argent de poche, etc.

    L’adolescence est la période des remises en question de nombreux principes apportés par les parents et souvent d’opposition. Vous ne pouvez ni tout accepter ni tout refuser. Il est important que vous établissiez une hiérarchie de règles, et que vous lâchiez du lest sur des points peu importants pour vous. Ainsi, il vaut souvent mieux céder sur l’habillement ou la coiffure que sur les consommations.

  • Impliquez votre enfant dans la définition des règles

    Certaines règles ne sont pas négociables et il est important que cela soit clair pour votre enfant. D’autres règles peuvent être négociées, selon l’âge de l’adolescent et son sens des responsabilités. Discutez les règles négociables en famille, afin que chacun puisse exprimer son opinion et faire des suggestions. Vous ne serez certainement pas d’accord sur tout. Ne cherchez pas à convaincre votre adolescent ou adolescente ni à lui imposer votre manière de penser.

  • Respectez l'intimité de votre adolescent ou adolescente

    Votre enfant peut également poser certaines règles que vous devrez respecter : respect de son espace, sa chambre par exemple. Votre enfant peut souhaiter que vous n’y pénétriez pas sans frapper, que vous ne touchiez pas à ses affaires, qu’il puisse en choisir la décoration. Il peut aussi vous demander de respecter son choix professionnel, ses relations amicales ou amoureuses.

Autour des sanctions 

  • Différer la sanction

    Réagir «à chaud», c’est parfois réagir de manière disproportionnée, sous le coup de la colère ou de l’inquiétude. Il vaut parfois mieux se donner un peu de temps avant de décider d’une sanction. Donnez-vous une heure ou une journée pour considérer calmement ce qui s’est passé et décider de la sanction.

    Toutefois, différer une punition ce n’est pas attendre dix jours, car cela n’aurait alors plus aucun sens pour votre enfant.

  • Mesurez vos réactions

    Évitez la surenchère dans la discussion avec votre enfant. Vous avez le droit d’être en colère, mais un parent ne doit pas se laisser aller à de la violence physique : gifles, coups... Évitez également les humiliations verbales comme « Tu me fais honte... », « Tu n’arriveras à rien ». Ne rabaissez pas votre enfant. Si une règle n’a pas été respectée, c’est cet acte qu’il faut sanctionner et ne pas dévaloriser la personne qui l’a commis. Si vous avez réagi trop fortement, n’hésitez pas à en reparler avec votre enfant.

  • Ne pas confondre sanction et discussion

    Les jeunes ont tendance à vouloir tout discuter et tout négocier. Si votre enfant n’a pas respecté les limites, vous pouvez discuter ensemble de ce qui s’est passé et des règles fixées. Par exemple, si votre enfant est rentré en retard, vous pouvez lui dire votre inquiétude, peut- être lui reprocher de ne pas vous avoir averti. Vous pouvez essayer de comprendre pourquoi il y a eu transgression. Mais, si le dialogue avec votre enfant est important, il ne remplace pas une sanction.

  • La punition doit être en lien avec la transgression

    Les sanctions doivent être proportionnées à l’âge de votre enfant et à la gravité de la transgression. Votre enfant doit pouvoir faire clairement le lien entre la punition que vous lui infligez et la règle qu’il n’a pas respectée. Ainsi, il ne se sentira pas victime d’une punition, mais comprendra qu’elle est la conséquence de son comportement et que, par ses choix, il peut influencer certaines choses dans sa vie. Par exemple, si vous avertissez votre enfant que s’il ne rentre pas à l’heure, il ne pourra pas sortir le prochain week-end, votre jeune décidera s’il pénalise sa prochaine sortie en ne respectant pas l’horaire. Maniez toutefois les interdictions de sortie avec précaution : votre enfant a besoin d’être en contact avec des jeunes de son âge.

     

    « L’ART DES PARENTS C’EST DE CÉDER SUR DE PETITES CHOSES ET DE GARDER LA MAIN SUR L’ESSENTIEL »

    DANIEL MARCELLI

Si la situation vous semble difficile

  • Ne vous découragez pas

    Il est important que vous teniez le cap, tout en vous adaptant aux capacités grandissantes de votre enfant. Ce n’est pas juste après avoir semé qu’on fait la récolte. Souvent les parents ont le sentiment que toutes les punitions, toutes les sanctions ou les mises en garde ne servent à rien. Il est épuisant de revenir inlassablement sur les mêmes sujets, d’essayer d’imposer des règles qui sont sans arrêt contestées. Soyez endurants : vos enfants devenus adultes vous seront reconnaissants d’avoir tenu bon.

  • N'hésitez pas à en parler avec d'autres parents ou à vous adresser à des spécialistes

    Peut-être vous posez-vous parfois la question de savoir si vous êtes trop sévère ou pas assez. À entendre votre adolescent ou adolescente, il y a toujours d’autres parents qui donnent davantage de liberté, d’argent de poche... à leurs enfants. Il est normal de se remettre en question, et il peut être utile d’échanger avec d’autres parents, par exemple dans le contexte d’une association de parents ou de conférences. En cas de difficultés, n’hésitez pas à chercher conseil auprès de professionnels.

La lettre aux parents est une brochure crée en partenariat avec : 

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    Lettre aux parents 5 : Accorder des libertés, fixer des limites

    Auteur: Crips Île-de-France - RESPADD - Addiction Suisse

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