CRIPS ÎLE-DE-FRANCE

Chemsex : comprendre et accompagner pour mieux soutenir les publics concernés

Le chemsex est un phénomène en forte progression, qui associe usage de substances psychoactives et sexualité, principalement chez les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH) mais également dans d’autres groupes. Les professionnels ont un rôle essentiel afin de soutenir les parcours en santé et favoriser l'accès aux ressources de prévention.

Le chemsex concerne une diversité de populations et de profils, et il comporte également des risques infectieux, psychologiques et sociaux. Les professionnels doivent être outillés pour pouvoir proposer un parcours en santé qualitatif tant en termes de prévention, que de réduction des risques ou d’accompagnement.

Comprendre le chemsex : quelques repères

Le chemsex est issu de la contraction de « chemical » et « sex ». Il désigne l’usage intentionnel de substances psychoactives dans un contexte sexuel, principalement chez les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes, mais aussi dans d’autres groupes.

Le chemsex est apparu dans les années 2000 au Royaume-Uni, puis s’est diffusé en Europe, notamment dans les grandes métropoles françaises. 

Cette pratique est favorisée par l’essor des applications de rencontre et l’accès facilité aux substances psychoactives.

Les substances les plus fréquemment utilisées sont :

  • Méthamphétamine
  • GHB/GBL
  • Cathinones
  • Cocaïne
  • Kétamine

Les modes d’administration sont variés : ingestion, sniff, injection (slam), plug (voie rectale). 

Les publics concernés

Diversification des publics concernés

Le chemsex est très majoritairement observé chez les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH). Selon l’enquête européenne EMIS de 2017, 12,5% des HSH en France et 10,8% en Europe déclaraient avoir pratiqué le chemsex au cours des douze derniers mois. 

Si les HSH restent le principal groupe concerné, plusieurs études récentes montrent que d’autres publics, notamment certaines personnes hétérosexuelles, sont également impliquées dans ces pratiques, bien que de manière moins fréquente. Cette évolution souligne une dynamique de diffusion du chemsex au-delà des groupes initialement identifiés.

Les données issues du dispositif TREND de l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT) révèlent par ailleurs une grande hétérogénéité des profils socio-démographiques. On retrouve des personnes pratiquant le chemsex dans toutes les tranches d’âge, au sein de différentes catégories socioprofessionnelles ou socio-économiques variées.

Approche intersectionnelle et vulnérabilités spécifiques

Le phénomène du chemsex ne touche pas un public homogène : il s’inscrit dans une diversité de parcours marqués par des discriminations croisées et des vulnérabilités spécifiques. Une approche intersectionnelle est indispensable pour comprendre et accompagner les personnes concernées.

Certaines personnes migrantes ou racisées peuvent pratiquer le chemsex dans des contextes de précarité, d’isolement social ou de stigmatisation. L’accès aux soins est souvent freiné par des barrières linguistiques, une méfiance vis-à-vis des institutions ou la peur d’être discriminé. Ces freins se retrouvent aussi chez d’autres populations.

Les personnes trans et non-binaires, encore peu visibles dans les études, sont également concernées. Le chemsex peut être un moyen d’échapper à des violences structurelles. Ces personnes rencontrent fréquemment des difficultés à accéder à des structures inclusives ou à des professionnels formés à leurs réalités.

Enfin, les personnes en situation de handicap ou les jeunes LGBTQIA+ en errance peuvent se retrouver dans des contextes de très forte vulnérabilité. Le chemsex peut apparaître comme un accès à la sexualité ou une forme d’inclusion, mais il s’accompagne de risques accrus et d’un manque d’offre adaptée.

Ces réalités soulignent l’importance de dispositifs de prévention et d’accompagnement accessibles, inclusifs et multiculturels.

Enjeux de santé liés au chemsex

Le chemsex expose à des risques sanitaires, tant infectieux que psychologiques et sociaux : transmission du VIH, des hépatites et d’autres IST, surdosages, dépendances, troubles psychiatriques et violences. Il y a donc des besoins spécifiques de prise en charge et de prévention à prendre en compte pour limiter les conséquences sur la santé individuelle et collective. 

Risques infectieux

La pratique du chemsex est associée à une augmentation des risques infectieux :

  • VIH

    La prévalence du VIH chez les HSH pratiquant le chemsex est de 22% (Eras 2021), contre 5% chez ceux qui ne le pratiquent pas.  

  • Hépatite C

    Les études françaises montrent un taux d’infection par le VHC chez les chemsexeurs compris entre 10 et 20%, en particulier chez ceux pratiquant le slam (injection en contexte sexuel). Ce taux est nettement supérieur à celui observé dans la population générale des HSH.

  • Autres IST

    Le risque de contracter d’autres IST est également très élevé dans ce groupe. La prévalence des IST bactériennes est 1,5 à 2 fois supérieure chez les chemsexeurs par rapport aux HSH non consommateurs, en raison de la multiplicité des partenaires, de la baisse de l’usage du préservatif et de certaines pratiques sexuelles traumatiques.

Risques liés à la consommation de substances

Aux risques infectieux se cumulent les risques liés à la consommation de substances :

  • Surdosages et complications physiques

    Les overdoses, notamment avec le GHB/GBL (G-hole), sont fréquentes en raison de la difficulté à doser ces substances. Elles peuvent entraîner une dépression respiratoire, un coma, voire le décès. La kétamine provoque quant à elle des K-hole, états dissociatifs extrêmes avec perte de contrôle moteur. Les injections (« slam ») exposent à des abcès, septicémies et infections (VIH, hépatites) en cas de partage de matériel.

  • Dépendance physique et impact sur la santé mentale

    La dépendance peut s’installer rapidement, notamment avec la méthamphétamine et les cathinones (3-MMC, 4-MMC). Les troubles anxieux ou dépressifs concernent 30 à 40 % des chemsexeurs, avec une prévalence de dépression variant de 12 à 50% selon les études, et d’anxiété généralisée de 10 à 20%.

  • Décompensations psychiatriques

    Les substances utilisées dans le chemsex, notamment la méthamphétamine et les cathinones, peuvent déclencher des psychoses toxiques chez une proportion significative d’usagers et d’usagères. Selon les études, entre 13% et 27% des consommateurs et consommatrices réguliers de méthamphétamine ont déjà connu au moins un épisode psychotique, et les cathinones synthétiques exposent à des risques similaires, voire supérieurs, de symptômes psychotiques et/ou de comportements violents.

  • Violences et non-consentement

    Des études européennes et britanniques montrent qu’entre un quart et un tiers des personnes pratiquant le chemsex rapportent avoir subi des violences sexuelles ou des rapports non consentis sous l’effet de drogues. Seule une minorité porte plainte, un faible taux qui s’explique le plus souvent par la crainte de ne pas être cru, de stigmatisation ou de devoir révéler son orientation sexuelle.

Facteurs d’entrée et de maintien dans le chemsex

La pratique du chemsex résulte d’un ensemble de facteurs individuels, relationnels et sociaux. Les comprendre est essentiel pour adapter la prévention et l’accompagnement.

Motivations intrinsèques

Les motivations internes incluent la recherche d’une performance sexuelle accrue, de sensations plus intenses ou prolongées, et la désinhibition permise par les substances (méthamphétamine, GHB, cathinones). Beaucoup de chemsexeurs évoquent aussi le besoin de surmonter des blocages, d’explorer des pratiques taboues ou de renforcer la connexion émotionnelle avec leurs partenaires. Le chemsex peut également servir à gérer la solitude, l’anxiété ou des discriminations, et parfois répondre à une dépendance qui s’installe progressivement.

Motivations extrinsèques

Parmi les facteurs externes, on retrouve la pression des normes notamment liée à la performance, l’influence des partenaires et la recherche d’intégration à un groupe. Les applications de rencontre et les réseaux sociaux facilitent l’accès aux substances et la normalisation du chemsex, surtout chez les jeunes adultes. D’autres éléments favorisent l’entrée ou le maintien dans le chemsex comme une faible estime de soi ou l’impact du stress minoritaire.

Cette grande diversité de facteurs souligne l’importance d’une approche individualisée dans la prévention et l’accompagnement.

La notion de “stress minoritaire” désigne un stress permanent supplémentaire que vivent les personnes des groupes marginalisés (comme les LGBTQIA+ ou les minorités raciales) à cause des discriminations qu’elles subissent au quotidien.

Décrit pour la première fois par Ilan Meyer en 2003, ce phénomène mélange deux types de pressions : celles qui viennent de l’extérieur (insultes, rejet, violence) et celles qui viennent de l’intérieur (peur d’être jugé, honte, sentiment d’insécurité permanent). Ces tensions continues ont des effets graves sur la santé : plus de risques de dépression, d’anxiété, de problèmes cardiaques ou de passage à l’acte suicidaire. Pour se protéger, les concernés restent souvent en alerte constante ou cachent des parts d’eux-mêmes, ce qui renforce leur isolement.

À la différence du stress classique, cette charge invisible n’est pas partagée par le reste de la population et s’ajoute aux difficultés normales de la vie. Pour y faire face, il faut agir à deux niveaux: créer des espaces solidaires dans les communautés touchées et changer les lois ou les mentalités pour réduire les injustices à long terme.

Prévention et réduction des risques

La prévention et la réduction des risques constituent des axes majeurs pour limiter l’impact du chemsex : information, accès au matériel de réduction des risques, dépistage, accompagnement et actions communautaires. Il est essentiel que l’approche des professionnels soit bienveillante, non jugeante et pluridisciplinaire, afin de favoriser l’accès aux ressources et soutenir les parcours en santé.

  • Information et sensibilisation

    Informer sur les substances et leurs effets constitue une priorité. Les associations comme par exemple AIDES, la Fédération Addiction, le Checkpoint proposent des brochures, vidéos et ateliers en direction des chemsexeurs et/ou des professionnels travaillant sur la thématique auprès de ce public.

  • Distribution de matériel de réduction des risques

    L’accès facilité au matériel stérile est essentiel pour limiter les risques. Cela inclut la distribution de matériel type seringues, Stéribox, pailles, etc, via les CAARUD, CeGIDD, des associations communautaires comme AIDES ou via des dispositifs d’envoi postal (www.rdr-a-distance.info).

    Certains lieux proposent des kits “chemsex” adaptés aux pratiques sexuelles sous substances, incluant également des informations sur les gestes de premiers secours et la gestion des situations d’urgence comme une overdose ou un bad trip.

  • Conseils pratiques et stratégies d’auto-protection

    Les associations encouragent des stratégies d'autosupport : ne pas consommer seul, rester en groupe, prévenir une personne de confiance. La connaissance des dosages et l’évitement de la surconsommation sont également promus, notamment grâce à l’utilisation de balances, seringues graduées et testeurs de GHB. 

    Elles encouragent également une forte prise en compte des risques sur le volet santé sexuelle et donc les solutions à mettre en œuvre autour de la prévention diversifiée (préservatifs et PrEP), du dépistage régulier, de la vaccination contre l’hépatite B et de la prise en charge rapide en cas d’exposition (traitement post-exposition ou TPE).

  • Dépistage, suivi et accès aux soins

    Le dépistage régulier du VIH, des hépatites et des IST doit être promu, notamment via les CeGIDD, les autotests et les permanences communautaires. L’orientation vers des consultations en addictologie, sexologie, santé mentale et d’accompagnement psychologique est indispensable pour les personnes en difficulté ou en situation de vulnérabilité. Les professionnels doivent également informer sur les gestes de premiers secours et la conduite à tenir en cas de surdosage, ainsi que sur les numéros d’urgence à contacter.

  • Actions communautaires et soutien par les pairs

    Les actions communautaires et le soutien par les pairs constituent un levier majeur pour la prévention et la réduction des risques.

    Les groupes de parole et d’auto-support, en ligne ou en présentiel, animés par des pairs, permettent de partager des expériences, des stratégies de réduction des risques et de rompre l’isolement.

    Les dispositifs d’écoute et d’orientation, comme les dispositifs de AIDES (offre anonyme via l’application WhatsApp : 07 62 93 22 29, une page Facebook dédiée au Chemsex : Info Chemsex, by AIDES) sont essentiels pour répondre aux questions, orienter et soutenir les personnes concernées.

    Globalement, la place des personnes concernées doit être centrale. Un accompagnement efficace passe par l’intégration des personnes concernées dans la réflexion et la mise en place des actions.

  • Rôle et posture des professionnels

    Dans leur pratique, les professionnels doivent adopter une posture d’écoute, d’ouverture et de non-jugement. Il leur revient d’informer sans juger, d’orienter et d’accompagner dans la durée, en proposant un suivi adapté.

    Il est essentiel d’éviter de minimiser les risques, de stigmatiser ou d’imposer une abstinence non souhaitée. L’orientation vers des dispositifs spécialisés doit être systématique en cas de signes de dépendance, de troubles psychiatriques, de situations d’urgence ou lorsque la demande dépasse le champ de compétence du professionnel.

    L’accompagnement doit également être adapté aux publics spécifiques, notamment les personnes en situation de précarité, migrantes, jeunes, non francophones. Il est alors nécessaire de proposer des relais et dispositifs adaptés, comme le recours à des médiateurs, des interprètes ou des structures spécialisées.

    Pour outiller les professionnels, des formations spécifiques sont proposées afin de renforcer leurs compétences au repérage, à la réduction des risques et à l’accompagnement des publics concernés.

"Usagers du chemsex : accueillir et accompagner", une formation du Crips Île-de-France

L'accompagnement des usagers du chemsex doit être multidimensionnel. Cette formation propose aux professionnels un socle de connaissances relatives à cette pratique ainsi qu'un travail concret pour mener un entretien individuel, ou mettre en place un projet d'intervention.

Pour en savoir plus.

S'outiller pour mieux accompagner

L’accompagnement et la prise en charge des personnes pratiquant le chemsex nécessitent une approche globale, pluridisciplinaire et adaptée à la diversité des situations. Les expériences de terrain, et les recommandations notamment de la Mission Métropolitaine de Prévention des Conduites à Risques (MMPCR) convergent vers la nécessité de dispositifs coordonnés, accessibles et non jugeants.

Des supports d’information

Les associations ont éditées de nombreux outils d’information parmi lesquels :

Crips_miniature_brochure_aides_chemsex_substance_2025

Les brochures « produits psychoactifs » éditées par AIDES. Cathinones, 3MMC, GHB/GBL, méthamphétamine, etc...

Elles sont disponibles gratuitement sur le site d'AIDES.

Crips_miniature_brochure_aides_chemsex_substance_2025
Crips_miniature_brochure_aides_federation_addictions_chemsex_accompagnement_2025

Guide « Aller vers les chemsexeurs » pour l’accompagnement pluridisciplinaire, édité par AIDES et la Fédération Addiction.

A découvrir sur le site d'AIDES.

Crips_miniature_brochure_aides_federation_addictions_chemsex_accompagnement_2025
Crips_miniature_livret_respadd_chemsex_2025

Livret Chemsex du RESPADD, qui détaille les pratiques à risque, le matériel disponible et les démarches de prévention, dépistage et orientation.

Un livret disponible gratuitement sur le site du RESPADD.

Crips_miniature_livret_respadd_chemsex_2025

Un accompagnement communautaire et de première écoute

AIDES propose un dispositif national d’écoute et de soutien. Les volontaires de AIDES, formés aux usages en contexte sexuel et à la réduction des risques, assurent l’écoute, l’orientation et la confidentialité, tout en garantissant le non-jugement des pratiques.

Dispositifs d’accompagnement

  • Ligne d’écoute chemsex d’AIDES via WhatsApp ou Signal (07 62 93 22 29), disponible 24h/24, pour poser des questions, demander un soutien ou une orientation en cas d’urgence (surdosage, mal-être, prise de risque VIH/hépatites, etc).
  • Groupes de parole en visio pour les personnes abstinentes (jeudis de 18h30 à 19h30).
  • Groupes d’auto-support et d’information sur Telegram et Facebook (« Info Chemsex »).

Documentation complémentaire

Deux documents pour approfondir l'état des lieux et de la recherche :

  • Miniature_Journee_Chemsex_comment_accompagner_publics_Paris_Seine-Saint-Denis_2022
    Synthèse de la journée "Chemsex : comment accompagner les publics ?" de la MMPCR (1418ko)
    Lien de téléchargement
    Miniature_Journee_Chemsex_comment_accompagner_publics_Paris_Seine-Saint-Denis_2022

    Synthèse de la journée "Chemsex : comment accompagner les publics ?" de la MMPCR

    Dans le cadre de son Plan d’information et de réduction des risques sur le chemsex, le Conseil de Paris a organisé une journée d'échange autour du chemsex rassemblant 120 professionnels de santé, acteurs et actrices associatifs de prévention et promotion de la santé, et des associations LGBTQIA+. Cette journée est co-organisée avec la MMPCR, Mission métropolitaine de Prévention des Conduites à Risques, le département de Seine-Saint-Denis et l'ARS.

    Date Lundi 20 juin 2022
    Auteur: MMMPCR, Mairie de Paris, département Seine-Saint-Denis
  • Miniature_Rapport_Chemsex_Professeur_Amine_Benyamina_2022
    Rapport "Chemsex" du Professeur Amine Benyamina (2022) (2614ko)
    Lien de téléchargement
    Miniature_Rapport_Chemsex_Professeur_Amine_Benyamina_2022

    Rapport "Chemsex" du Professeur Amine Benyamina (2022)

    Rapport rendu à M. le Ministre de la Santé en 2022, qui qualifie et quantifie la pratique du chemsex et propose une stratégie de prévention en fonction des besoins analysés.

    Date 2022
    Auteur: Pr Amine Benyamina

Pour aller plus loin

  • crips-salle-formation-groupe-2024-5
    Accompagner et accueillir les usagers du chemsex
  • crips_guide-sante-lgbtqi_2021
    Guide LGBTQI+ pour un meilleur accueil des minorités genrées, sexuelles et sexuées à destination des pros de santé
  • crips-salle-formation-groupe-2024-5
    Protéger et promouvoir la santé sexuelle