CRIPS ÎLE-DE-FRANCE

Take Care, un projet pour les jeunes sous-main de justice : retour d'expérience

Le projet Take Care, ce sont trois jours de stage dans le cadre de la justice de proximité. Depuis de nombreuses années le Crips vient en appui de la Protection judiciaire de la jeunesse dans sa mission d’éducation des jeunes. Pour mieux comprendre les enjeux et les bienfaits de ce projet, nous avons donné la parole aux professionnels de santé au contact de jeunes ayant participé au dispositif.

Un stage de trois jours pour développer les compétences psychosociales des jeunes sous main de justice et accroître leur capacité à agir favorablement pour leur santé.

Les objectifs de ce  programme d’éducation pour la santé : 

  • développer l’esprit critique et la pensée créative, 
  • favoriser l’expression des jeunes autour de leurs représentations et de leurs connaissances, 
  • aider les participants à identifier des stratégies de prévention appropriées,
  • permettre aux jeunes de repérer les lieux et les personnes ressources. 

Comment ça marche ? 

Les stages se déroulent au sein même  des structures durant trois jours. Élaborés comme un parcours pédagogique, les animations et les ateliers sont axés sur le développement des compétences psychosociales des jeunes, la lutte contre les discriminations et la prévention des violences sexistes et sexuelles. 

Afin de mieux comprendre les enjeux et les bénéfices de ces stages, nous avons posé quelques questions à nos partenaires de la PJJ ayant participé au dispositif. 

crips_personnage_atelier_paloma
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crips_personnage_atelier_gabriel
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Vous êtes tous trois des professionnels de santé accompagnant des jeunes sous main de justice, pourriez-vous vous présenter ?

Rabah AMRANI - Infirmier, Conseiller technique santé
Titulaire d’un diplôme d’Etat d’infirmier depuis 1998, j’ai d’abord exercé en milieu hospitalier, plus précisément en médecine de l’adolescent, avant de rejoindre la Protection judiciaire de la jeunesse en 2005. J’y ai successivement occupé le poste de conseiller technique en promotion santé sur les territoires du Val-de-Marne, de la Seine-Saint-Denis, et de Paris depuis septembre 2021. Le CTPS a pour mission technique à la PJJ d’animer et de coordonner la politique de santé du territoire, en lien avec les partenaires, en vue de soutenir les professionnels des structures prenant en charge les jeunes sous main de justice.

Mysais MAISONNEUVE - Infirmier diplômé d’état
Je suis infirmier de soins généraux depuis près de 12 ans et j'exerce essentiellement dans le milieu intrahospitalier. En poste à la Protection judiciaire de la jeunesse depuis bientôt 18 mois, je suis chargé de la promotion de la santé auprès des usagers (jeunes et professionnels) du centre éducatif fermé de Bures-sur-Yvette (91). 

Jennifer PETIT - Educatrice
Je suis éducatrice PJJ (Protection judiciaire de la jeunesse) depuis 2011. J’ai travaillé trois ans en EPM (Etablissement pénitentiaire pour mineurs) et depuis 2014, je travaille au sein de l’UEMO (Unité éducative en milieu ouvert) de Drancy.

Quel est le cadre du partenariat entre la PJJ et le Crips IdF ?

Rabah AMRANI 
Partenaire historique et privilégié de la Direction interrégionale d’Île-de-France sur les questions de vie affective, relationnelle et sexuelle des jeunes, le Crips est un acteur incontournable dans le domaine de la prévention que je suis amené à solliciter très régulièrement, tant en direction des jeunes dont nous avons la charge que dans le domaine de la formation de nos professionnels de terrain. Pour rappel, nous sommes signataires d’une convention au niveau régional avec le Crips qui vient soutenir notre coopération.

Je me suis toujours appuyé sur toutes les potentialités que pouvait proposer le Centre régional d’information et de prévention du sida avec des outils très innovants tels que le BIP ou la mise à disposition récente des Ideas Box. Un stage est envisagé et programmé en juillet sur notre dispositif insertion sur le STEI (Services territoriaux éducatifs d’insertion) de Paris. Par ailleurs, plusieurs actions de sensibilisation ont pu se tenir tout au long de l’année. Elles ont concerné le foyer, le STEI et plusieurs de nos services en milieu ouvert, signe de notre engagement auprès de ces jeunes. 

Mysais MAISONNEUVE 
Le projet Take Care avec le Crips Île-de-France est un solide complément pour mes actions de promotion de la santé auprès des usagers du Centre éducatif fermé. 

Jennifer PETIT
Depuis 2017, nous mettons en place des ateliers Vie affective et sexuelle en partenariat avec le Crips, à raison de 2 ou 3 sessions de 3 ateliers chacune par an. En 2022 Elsa PAGES, chargée de projet, nous a proposé de varier la forme et le contenu avec le stage Take Care.

Avez-vous observé des bénéfices ou des changements de comportement suite au stage ?

Rabah AMRANI
Ces actions permettent de susciter la réflexion des jeunes à partir des informations qui leur sont données et contribuent à développer des attitudes de responsabilité individuelle et des comportements favorables à la santé. 

L’éducation à la vie affective et sexuelle des jeunes dont nous avons la charge contribue à la prévention et à la réduction des risques (grossesses précoces non désirées, infections sexuellement transmissibles, VIH/sida, violences…). Au-delà de renforcer leurs connaissances en matière de santé sexuelle, les actions permettent de travailler les connaissances des jeunes sur la santé en général, mais également de renforcer chez eux l’estime de soi, la coopération et la communication. Elles permettent de déconstruire certaines représentations et de lutter contre les préjugés et les discriminations.

Ce sont toujours des moments réjouissants lorsque les jeunes verbalisent le fait que ce qu'ils ont appris pendant le stage sera transmis à leurs copains pour qu’ils adoptent des comportements moins à risques. Je suis également toujours surpris de la méconnaissance que les jeunes peuvent avoir de l’anatomie et de la physiologie du corps humain. Je regrette le manque de confiance en leurs capacités, qui entraîne parfois de la dévalorisation. Ce qui peut avoir une incidence sur leurs capacités à se protéger et à protéger l’autre.

Mysais MAISONNEUVE 
Pour les jeunes pris en charge, il s’agit d’un moment privilégié qui leur permet d’aborder des sujets parfois délicats pour eux (vie affective et sexuelle, discrimination…) avec un intervenant extérieur familier avec ces thématiques et la transmission auprès de ce type de public. Pour les professionnels (éducateurs, infirmiers,…), de par leur participation le projet Take Care leur permet de monter en compétences vis-à-vis de ces sujets.

Jennifer PETIT 
Les bénéfices auprès du public, et plus particulièrement pour les jeunes, sont  des apports théoriques sur l’anatomie, le fonctionnement du corps, le consentement. La prévention en termes de santé, de sexualité mais aussi l’ouverture d’esprit des jeunes sur des sujets tels que l’homosexualité, etc. Ces ateliers ont un réel impact sur les jeunes. La dynamique de groupe, les apports fournis par l’intervenant ainsi que les échanges qui en découlent permettent de repérer certaines problématiques parfois bien plus larges que la sexualité. De plus, face à un intervenant extérieur, notamment un infirmier, les jeunes se livrent davantage.

Comment renforcer les capacités des encadrants de ces jeunes ?

Rabah AMRANI

Je dirais que les principaux besoins sont : 

  • D’avoir plus de prêt d’outils.
  • L’apport de documentation sur ce public. 
  • La mise à disposition de matériel de prévention (affiches, brochures, flyers).
  • L’ accompagnement et soutien à la mise en place d’actions visant à la prise en compte de la vie affective et sexuelle.

Mysais MAISONNEUVE 
De par mon observation, il semblerait que les professionnels soient demandeurs d’outils pédagogiques et de formations aux techniques d’animation, afin de pouvoir eux-mêmes encadrer des séances sur les thématiques abordées dans le projet Take Care. De plus, certains professionnels ont besoin d’être rassurés par rapport à leur légitimité à aborder ces thématiques avec les jeunes pris en charge (certains s’interrogent sur la compatibilité de ces interventions avec leur devoir de neutralité).

Jennifer PETIT 
Nous avons fait appel au Crips après avoir constaté de fortes carences concernant l’éducation et la prévention liées à la sexualité. Beaucoup de jeunes suivis sont déscolarisés ou absentéistes. La prévention en matière de vie affective et sexuelle et en termes de santé ne se fait donc pas à l’école et malheureusement pas non plus au sein de la cellule familiale. Au regard des discours et pratiques de certains jeunes, il nous a semblé primordial de faire appel à un partenaire spécialisé dans ce domaine.

Quels retours avez-vous reçus de la part des jeunes ayant participé aux stages ?

Rabah AMRANI 
Pour commencer, nous avons eu beaucoup de mal à mobiliser des jeunes en milieu ouvert, à qui étaient destinés ses stages. Il a été convenu, suite au constat fait avec Elsa PAGES (chargée de projet au Crips), de revoir le format des stages afin de pouvoir les proposer sur un modèle plus concentré, d’une journée. Ce format plus court est plus adapté aux profils de nos jeunes.

Mysais MAISONNEUVE 
Dans un premier temps, je dirais que dans l’ensemble le côté ludique et convivial est fortement apprécié sur ces stages. Toutefois, il arrive d’avoir des retours mitigés de la part de ces jeunes. Certains verbalisent soit leur désintérêt du fait que les thèmes et sujets abordés soient « des choses qu’on connaît déjà », soit leur gène vis-à-vis de certains sujets abordés, ou encore le fait d’avoir appris des choses.

Jennifer PETIT 
Il reste encore pas mal de choses à travailler et à développer sur ce format. En effet, de nombreux sujets ont pu être abordés mais pour la plupart ils étaient trop pointus pour les jeunes présents. Nous avons remarqué qu’il était systématiquement nécessaire pour nos groupes de reprendre les bases de l’anatomie. Ce manque entraîne des difficultés pour ces jeunes à suivre et à être assidus durant les 3 jours. Jugées quelquefois “trop scolaires”, nous avons dû revoir les interventions suivantes pour les rendre encore plus ludiques.  

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    Les jeunes sous main de justice ont très souvent un parcours de vie qui favorise les comportements à risque et les expose davantage à des situations de violence. La plupart d’entre eux sont particulièrement éloignés de la prévention et sont dans des situations sociales complexes pour des raisons économique, familiale, scolaire, migratoire. De ce fait, les actions du Crips IDF visent à développer les compétences psychosociales de ces jeunes et à accroître leur capacité à agir favorablement pour leur santé.

    Date de publication 2022
    Auteur: Crips Île-de-France

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