VIH/sida : un vaccin pour stopper le virus ?

Crée le 21 juillet 2022, modifié le 17 octobre 2025

Depuis la découverte du VIH, la mise au point d’un vaccin est une étape clé pour endiguer l’épidémie. Si la recherche a permis, pour ceux qui ont accès aux traitements, de vivre avec le virus, il n’existe toujours pas de vaccin contre le VIH. En effet, malgré une recherche dynamique, le virus oppose de nombreux obstacles à la découverte d’un vaccin.

  • 79,3 millions de personnes ont été infectées par le VIH depuis le début de l’épidémie (1)
  • 173000 personnes vivent avec le VIH en France (2)
  • 78 personnes meurent de maladies liées au stade sida par heure dans le monde (2)

(1) UNAIDS, 2021
(2) Sidaction, 2022 

Qu’est-ce qu’un vaccin ?

Les vaccins sont un moyen simple, sûr et efficace de se protéger contre les maladies infectieuses. Ils renferment l’agent pathogène (germe, bactérie ou virus) ou un morceau de celui-ci, vivant mais atténué, ou complètement inactivé. Cette composition offre une protection immunitaire sans causer la maladie. À l’échelle des populations, les campagnes de vaccination permettent de lutter contre la circulation d’un agent infectieux et de réduire les risques qui y sont liés.

On distingue deux types de vaccins, thérapeutique et préventif. Le vaccin thérapeutique est injecté à une personne malade, pour l’aider à lutter contre la maladie en stimulant son système immunitaire. Le vaccin préventif, comme son nom l’indique, est administré en prévention afin d’éviter une infection. Le vaccin préventif est le type de vaccin le plus courant. Il s’appuie sur l’immunité dite adaptative, et plus particulièrement sur la mémoire immunitaire.

En cas d’infection, le système immunitaire active d’abord l’immunité innée. Elle s’appuie notamment sur des cellules immunitaires capables de détruire les agents infectieux de manière non spécifique. Par la suite, l’immunité adaptative se met en place. Elle permet une défense immunitaire plus efficace, en créant des cellules immunitaires et des anticorps spécifiques à un certain pathogène. Cependant, cette réponse immunitaire est lente : il faut en moyenne 2 à 3 semaines pour produire des anticorps. Ces agents immunitaires spécifiques, nouvellement produits, disparaissent après l’infection. Néanmoins, un petit groupe “mémoire” persiste dans l’organisme. Ainsi, si un individu est de nouveau infecté par le même pathogène, ce groupe sera directement réactivé, et conduira à une réponse rapide et efficace qui empêchera la propagation de l’infection.

Le vaccin préventif stimule le système immunitaire, de la même manière que s’il était exposé à la maladie. Ainsi, dans le cas du VIH, un individu vacciné qui rencontrerait le virus serait protégé car son système immunitaire, déjà “entraîné”, empêcherait la propagation de l’infection.

L’immunologie de l’infection VIH

Le VIH, comme tous les virus, utilise la machinerie des cellules pour se répliquer et infecter son hôte. Le VIH infecte les lymphocytes T CD4, des cellules indispensables au système immunitaire et à la production d’anticorps. Après une contamination par le VIH, le virus reconnaît les récepteurs membranaires de ces cellules, s’y accroche, et les pénètre. En transmettant aux CD4 son matériel génétique, le VIH utilise ensuite la machinerie cellulaire pour se reproduire. Des milliers de nouveaux virus bourgeonnent et sont ainsi expulsés dans le corps, entraînant par ailleurs la mort de la cellule CD4 utilisée.

La primo-infection dure 2 mois, période pendant laquelle la personne infectée peut avoir des symptômes grippaux qui peuvent passer inaperçus. Durant cette période, la charge virale, c’est-à-dire la quantité de virus dans le sang, augmente fortement puis chute jusqu’à devenir très faible. Cette chute est dûe à l’apparition d’anticorps anti-VIH fabriqués par le système immunitaire suite à l’infection. Par la suite, et ceux pendant quelques années, la charge virale et le taux d’anticorps anti-VIH sont à peu près stables. Cependant, à cause de la réplication du virus et de ses nombreuses mutations, les lymphocytes T CD4 sont en baisse. Leur nombre finit par atteindre un seuil critique : c’est l’effondrement du système immunitaire. La charge virale augmente, les niveaux d’anticorps et de lymphocytes sont extrêmement bas, l’individu infecté atteint le stade Sida. Le système immunitaire étant très faible, d’autres maladies, dites opportunistes, peuvent infecter l’hôte et provoquer son décès s’il n’est pas traité. Ainsi, le VIH permet à d’autres agents pathogènes, normalement éliminés par l’organisme, de proliférer.

Les traitements antirétroviraux donnés aux personnes séropositives agissent à différentes étapes de la réplication du virus, en empêchant par exemple celui-ci de pénétrer les lymphocytes T CD4 ou de leur transmettre son matériel génétique. Bien qu’ils ne permettent pas de guérir du VIH, les antirétroviraux ralentissent fortement sa réplication. Les personnes sous traitement obtiennent une charge virale si faible, qu’elle est presque nulle. On dit alors qu’elle est indétectable.

Historique de la recherche vaccinale contre le VIH

Plus de quarante ans après la découverte du VIH, il n’existe toujours pas de vaccin contre le virus. Pourtant, lors de la récente crise sanitaire, plusieurs vaccins contre le SARS-CoV 2 ont été développés en moins d’un an. Pourquoi tant de retard ? Après 25 années de recherche qui ont conduit à beaucoup de désillusions, l’épidémie de SARS-CoV 2 a interrogé le grand public sur l’avancée de la conception d’un vaccin anti-VIH.

Les recherches vaccinales contre le VIH ont débuté dès 1984, après la découverte du virus. Les méthodes classiques de développement de vaccins ont été explorées, mais aucune ne s’est avérée efficace. Les vaccins vivants atténués et inactivés, très efficaces pour d’autres virus comme la rage, la variole, ou l’hépatite A, ne sont pas envisageables pour le VIH car il n’est pas possible d’inactiver le virus de façon fiable. Avec un virus qui menacerait, à tout moment, de revenir à son niveau de virulence normal, les chercheurs se sont concentrés sur une autre technique vaccinale classique : l’injection de fragments cibles du virus. Malheureusement, dans le cas du VIH, toutes les tentatives d’injection de la protéine d’enveloppe du virus sous forme soluble se sont soldées par un échec.

Depuis les années 1990, ces échecs répétés ont conduit à développer de nouvelles techniques vaccinales innovantes. Bien que jusqu’ici inefficaces face au VIH, elles ont conduit au succès du vaccin anti-Ebola. D’une manière générale, aucun vaccin assez efficace n’est disponible contre des infections dont on ne peut guérir spontanément, ce qui est le cas du VIH. Ainsi, même si la recherche est dynamique, la réalité est que le VIH oppose aujourd’hui de nombreux obstacles au développement d’un vaccin. À ces obstacles s’ajoutent aussi la difficile mise en place des essais cliniques, nécessaires pour mesurer leur efficacité.

Vaccin anti-VIH : Les obstacles

Les obstacles posés par le virus

Le VIH, de par sa nature, oppose trois obstacles majeurs au développement d’un vaccin.

Tout d’abord, les vaccins traditionnels permettent de bloquer les virus dès leur entrée dans l’organisme, en induisant rapidement une réponse immunitaire ciblée. Cependant, le VIH est un rétrovirus qui s’intègre directement aux cellules immunitaires censées le combattre, et est capable d’y rester au repos pendant plusieurs années, tel un « cheval de Troie ». De plus, il colonise le tissu lymphoïde, réservoir à lymphocytes du corps, en moins de 24 heures. Face à la rapidité d’infection du VIH et à sa capacité à se dissimuler au sein même du système immunitaire, induire une immunité vaccinale efficace pour bloquer le virus dès les premiers instants de l’infection reste extrêmement difficile. En effet, il faudrait que ce vaccin induise des taux d’anticorps élevés en permanence et non au moment de l’infection.

Ensuite, et contrairement au SARS-CoV 2, le VIH possède une grande variabilité génétique. Ces mutations fréquentes s’expliquent par les nombreuses erreurs qui ont lieu lors de la reproduction massive du virus. Ainsi, les anticorps développés pour se défendre contre une des formes du VIH deviennent rapidement obsolètes face aux mutations qui s’accumulent. Le schéma de vaccination classique consistant à induire la production d’anticorps contre une ou plusieurs formes du virus ne peut pas être efficace contre le VIH. Les chercheurs doivent donc trouver une nouvelle technique de vaccination capable d’immuniser contre de nombreuses souches en même temps, ce qui est extrêmement difficile.

Enfin, les anticorps neutralisants créés grâce aux vaccins antiviraux sont peu efficaces face au VIH. Les anticorps neutralisants empêchent la pénétration d’un virus dans ces cellules cibles, en se fixant sur ses sites de liaison. Dans le cas du VIH, le virus se fixe sur les CD4 à l’aide de deux sites de liaison correspondant à deux récepteurs : le récepteur CD4 et un co-récepteur, le plus souvent CCR5. Malheureusement, les anticorps neutralisants ont un accès très limité aux sites de liaison du VIH, qui sont cachés dans les replis de l’enveloppe virale.

En conclusion, les spécificités du VIH rendent inefficaces les stratégies vaccinales traditionnelles. Depuis plus de trente ans, elles poussent les chercheurs à redoubler d’efforts et d’inventivité pour parvenir à un résultat convaincant.

Les obstacles financiers

La question du financement est un élément majeur de la mise en place d’un vaccin. Le marché du vaccin anti-VIH est aujourd’hui très faible pour les groupes pharmaceutiques. Malgré de nombreux chercheurs très motivés, les investissements ne suivent pas toujours. Pourtant, trouver un vaccin reste la seule manière d’éradiquer l’épidémie causée par le virus.

État des lieux: où en sont les recherches vaccinales anti-VIH ?

Vaccin thérapeutique

Le vaccin thérapeutique est destiné à aider un individu à lutter contre une maladie en stimulant son système immunitaire. Bien que peu connue du grand public, cette approche thérapeutique connaît un vrai engouement en cancérologie.

Dans le cas du VIH, l’objectif du vaccin thérapeutique est de maintenir durablement la charge virale du patient au niveau le plus bas possible, pour qu’il n’ait plus à prendre de traitements antirétroviraux, voire d’éliminer complètement le virus. Plusieurs essais ont vu le jour, en complément, ou non, de traitements ARV. Cependant, aucun n’a démontré d’effets immunogéniques majeurs en comparaison aux ARV.

Dernièrement, les essais du vaccin thérapeutique HIT, conçu grâce aux études sur les « contrôleurs d’élite”, ont permis à certaines personnes séropositives d’interrompre leur traitement et de maintenir une charge virale très faible pendant plus de 5 mois. Bien que prometteurs, ces résultats sont loin d’apporter une “guérison fonctionnelle” car la charge virale a rebondi chez la totalité des patients (Mothe et al.; 2021). Enfin, une très récente étude explore la modification génétique des lymphocytes B à l’intérieur d’une personne séropositive (Barzel et al.; 2022). Cette modification cellulaire encourage les lymphocytes B à se multiplier et leur permet de produire en grande quantité des anticorps anti-VIH. Les modèles animaux ayant reçu ce vaccin thérapeutique ont très bien répondu et ont acquis de grandes quantités d’anticorps dans le sang. De plus, cette étude apporte une nouvelle vague d’espoir pour les personnes vivant avec le VIH qui pourraient voir un jour la possibilité d’être traitées avec une seule dose de vaccin curatif.

Vaccin préventif

Comme leur nom l’indique, les vaccins préventifs sont administrés en prévention d’une infection. Ils permettent ainsi de prévenir l’apparition d’une maladie d’origine infectieuse en préparant le système immunitaire.

Depuis les années 1980, la recherche d’un vaccin préventif contre le VIH, qui permettrait d’endiguer l’épidémie, a essuyé de nombreux échecs. Une efficacité vaccinale de 50 à 60 % permettrait d’avoir un véritable effet sur l’épidémie. Cependant, un tel résultat n’a jamais été atteint.

Malgré les échecs, les connaissances sur le VIH et le système immunitaire se sont, au fil des années, affinées. Ces évolutions permettent aujourd’hui d’explorer des stratégies vaccinales innovantes, afin de contourner les difficultés que pose le virus. Par le passé, les stratégies vaccinales oscillaient entre induire une réponse humorale, basée sur la production d’anticorps, ou une réponse cellulaire, basée sur la production de cellules immunitaires. Aujourd’hui, il existe un large consensus dans la communauté scientifique quant à la nécessité de déclencher ces deux types de réponses face au VIH.

Les grands essais vaccinaux contre le VIH

Les nouvelles pistes vaccinales

Recherche vaccinale et éthique

Le vaccin anti-VIH constitue le véritable défi de la recherche sur le VIH/sida. Depuis quelques années, l’approche vaccinale est controversée, notamment à cause des difficultés scientifiques que le virus oppose ainsi qu’aux enjeux éthiques de l’expérimentation humaine.

Les essais vaccinaux sont encadrés par les quatre grands principes de la bioéthique : le principe de bienfaisance, de justice, de non-malfaisance et de respect de l’autonomie. Ces grands principes ont aidé à fixer un cadre de plusieurs étapes afin de tester et d’assurer la sécurité d’un vaccin avant sa commercialisation.

Les étapes d’un essai vaccinal

Pour assurer la sécurité d’un vaccin, plusieurs étapes sont nécessaires. Tout d’abord, le vaccin est administré sur des cellules isolées (in vitro en laboratoire) puis, dans un second temps, chez l’animal. À l’issue de cette phase pré-clinique, si la balance bénéfices-risques du vaccin penche en faveur des bénéfices, des essais cliniques peuvent être effectués chez l’être humain. Les essais cliniques comportent 3 phases :

  • Phase 1 : Le vaccin est administré à une dizaine de volontaires.
  • Phase 2 : Le vaccin est administré à des centaines de volontaires et sa sécurité est évaluée en profondeur.
  • Phase 3 : Le vaccin est administré à des milliers de volontaires. Cette phase a pour but d’analyser l’effet protecteur du vaccin en observant dans quelle mesure les personnes vaccinées résistent à la maladie dans les semaines/mois après vaccination. Ces essais permettent aussi de détecter les effets indésirables rares.

Les 3 phases d’essais sont menées à l’aveugle pour les volontaires et les scientifiques. Si le vaccin est jugé sûr et efficace, il est commercialisé. Un suivi, également appelé phase 4, permet de surveiller sa sécurité et son efficacité après sa commercialisation.

Plusieurs organisations internationales, dont l’Internationale Aids Vaccine Initiative, ont, par le passé, justifié l’entrée d’essais vaccinaux en phase 3 très rapide par les réalités de la flambée épidémique dans certaines régions du monde, les obstacles aux politiques de prévention et à la difficulté de la mise à disposition des traitements. Pourtant, l’état d’urgence ne peut justifier l’irrespect des grands principes qui encadrent la recherche sur l’homme. En 2009, l’engouement créé par les premiers résultats de l’Essai Thaï a occulté les questions éthiques posées par l’essai vaccinal, notamment sur le choix et la sélection de ses participants. Aujourd’hui, de nombreux éthiciens proposent que les populations qui acceptent les possibles risques associés aux essais vaccinaux reçoivent en retour les bénéfices de cette recherche, c’est-à-dire qu’ils se voient garantir un accès à moindre coût au vaccin qui se serait prouvé efficace.

Spécifiquement dans les pays où les taux d’alphabétisation peuvent être élevés, le mode d’enrôlement des sujets, les risques associés avec l’étude, l’information sur la protection apportée par le vaccin expérimental et le suivi apportés après la vaccination doivent être particulièrement surveillés pour assurer un essai éthiquement acceptable.

En région parisienne, le Vaccine Research Institute recherche des participants séronégatifs pour des essais vaccinaux contre le VIH.

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