Interview de Serge Hefez, psychiatre sur le sexe, le genre et la sexualité des ados
Crée le 24 septembre 2025, modifié le 24 septembre 2025
À partir de quand commence le développement sexuel des jeunes ?
La réponse de Serge Hefez
Encore une fois, la sexualité est là depuis toujours, bien évidemment, mais ça n’est pas la sexualité comme on l’entend au sens de sexualité génitale. C’est tout ce qui concerne le plaisir du corps. On sait bien que les enfants même tout petits aiment jouer avec le corps, avec le corps de l’autre. Et on est déjà dans la sexualité.
Ce qui se passe au moment de l’adolescence, c’est une espèce de Bing Bang. C’est-à-dire qu’il y a un déferlement d’hormones, il y a des corps qui se transforment, et des corps qui deviennent des corps adultes. Donc, la question de la sexualité à proprement parler, c’est surtout dans ce moment-là, dans ce moment de la puberté qu’elle va commencer à se poser, parfois avec beaucoup de souffrance et d’atermoiement chez un certain nombre d’ados. C’est l’âge aussi où on va se déterminer, j’ai envie de dire sur le plan du genre, au sens où les ados vont adopter en général un comportement très normé pour participer au groupe.
On se construit comme garçon, on se construit comme garçon dans sa virilité, beaucoup plus en général par rapport au groupe de garçons que dans les rapports avec les filles. Le groupe de garçons fait une pression extrêmement forte pour avoir un certain comportement masculin. Le groupe des filles va aussi entraîner les filles vers quelque chose de l’ordre de la séduction, du fait de plaire, du fait de se trouver féminine dans le regard des garçons.
Donc il y a quelque chose de la norme qui se met très fortement en place. Mais il y a 10, 15, 20 % des ados qui ne se sentent pas dans cette norme ni de genre ni de sexualité ; des garçons qui ne se sentent pas à avoir à suivre le comportement viril traditionnel. Des filles également. Et parfois même, cela va jusqu’à interroger sa propre identité : est-ce que je suis bien un garçon ? Est-ce que je suis bien une fille ? Et se sont des questionnements parfois très complexes. De même pour la sexualité, encore une fois c’est lié mais pas forcément : vers qui je me sens attiré ?
Ce qu’on voit aujourd’hui, c’est que les ados sont beaucoup plus ouverts par rapport à ces questions que les générations précédentes, que beaucoup ont des expériences homosexuelles sans que cela touche la question de leur identité. Ce qui compte pour eux, c’est d’être attirés par quelqu’un, être amoureux de quelqu’un. Au fond, un garçon est beaucoup moins chamboulé qu’avant s’il tombe amoureux d’un autre garçon ou une fille d’une autre fille ; cela ne veut pas dire que ça va fixer leur identité pour toujours. Il y a des tas d’expérimentations qui sont possibles.
Quel rôle a-t-on dans le développement sexuel de son ado ?
La réponse de Serge Hefez
Quelle est la différence entre genre et orientation sexuelle ?
La réponse de Serge Hefez
Comment accompagner les jeunes transgenres ?
La réponse de Serge Hefez
Ce que je vois beaucoup, puisque j’ai une consultation là-dessus, chez ces jeunes, au-delà des interrogations, des fluidités, des atermoiements, etc., c’est un vrai questionnement qu’on peut qualifier de transgenre.
C’est-à-dire que ce sont des garçons qui souffrent dans leurs corps de garçons, qui se sentent être filles et qui veulent être filles. Et des filles à l’inverse qui se sentent garçons et qui veulent devenir garçons. Ces jeunes aujourd’hui sont très en contact sur Internet, avec tout un tas de sites où ils rencontrent d’autres jeunes qui sont dans la même situation qu’eux. Alors il faut vraiment accompagner ces situations pour deux raisons. D’abord parce que si on est dans une vraie dynamique de changement de sexe, c’est une dynamique qu’il faut absolument accompagner, qu’il faut comprendre, qu’il faut soutenir, qu’il faut écouter. Il faut très vite consulter des spécialistes de ces questions-là, qui vont aider le jeune pas forcément à se transformer tout de suite, mais en tout cas à vraiment réfléchir sans le juger, sans stigmatiser, sur son questionnement.
Et puis à l’inverse, il y a des jeunes qui sont un peu dans l’interrogation, comme tous les jeunes, sur leur identité et qui s’identifient trop vite, qui s’affilient trop vite à des groupes qui, eux, sont beaucoup plus avancés dans cette démarche-là. Et ils vont, comme beaucoup de jeunes, penser que c’est là qu’ils vont trouver une solution à leur interrogation intérieure. Ils vont très vite rentrer dans des circuits d’hormones, voire d’interventions chirurgicales, alors que ce n’est pas sûr que c’était ça la trajectoire qui leur convenait. Donc je dirais aux parents d’être très attentifs par rapport à ces questions. Surtout de ne jamais rejeter et de toujours favoriser le dialogue pour savoir où en est leur enfant.
Quel est votre dispositif aujourd’hui pour la prise en charge de ces jeunes ? Comment vous êtes-vous organisé ?
Il y a à Paris, mais bien sûr il y a des initiatives en province. À Paris, il y a un groupe inter-hospitalier de différents services de pédopsychiatrie qui s’occupent d’adolescents, qui se réunit tous les mois ou tous les deux mois entre spécialistes de la question. C’est-à-dire des pédopsychiatres bien évidemment, des psychologues, des sociologues, des juristes, des endocrinologues, et on étudie les dossiers de tout un tas de jeunes et de leurs parents qui s’adressent à l’une ou l’autre consultation. Et donc on prend des décisions collégiales, pour savoir, en discutant entre nous, ce que l’on fait. Par exemple, il y a des jeunes prépubères qui sont tellement mal dans leur peau de garçons ou de filles, qu’on a la possibilité de retarder leur croissance, d’arrêter leur puberté – ce qui sur le plan physique n’est absolument pas dangereux –, mais ce qui nous donne un an, deux ou trois ans pour réfléchir avec eux, pour prendre le temps de savoir où ils en sont exactement par rapport à leur identité.
Y a-t-il plus de discriminations à l’école ? Comment agir ?
La réponse de Serge Hefez
Par rapport à la discrimination à l’école, il y a vraiment deux aspects aujourd’hui qui sont très variables, quasiment selon le quartier, selon la rue, selon le collège auquel on appartient. On peut trouver à 300 mètres de distance des collèges dans lesquels les jeunes sont très ouverts, très curieux des questions de genre, de sexualité, où même ça a quelque chose d’assez « classe » dans une école, d’assez « stylé » comme ils disent, de ne pas être dans la norme, d’avoir des tenues vestimentaires un peu extravagantes, justement d’adopter des conduites, des normes de genre un peu particulières ou beaucoup plus fluides que les autres.
Ça interpelle les autres jeunes, ça les intéresse et ça créé de la popularité même. Alors qu’à 300 mètres de là, un jeune qui ne va pas être dans la norme et qui ne va pas être dans le moule, va être vraiment l’objet de discriminations extrêmement fortes. J’ai connu des jeunes qui, pour une raison ou pour une autre, changeaient d’établissement et rentraient dans un univers, dans une planète totalement différente de ce qu’ils avaient connu.
Alors, est-ce que les discriminations ont augmenté ? J’aurais du mal à le dire. Ce qui est sûr, c’est qu’il y a beaucoup plus de visibilité par rapport à cela. C’est-à-dire que les jeunes se cachent moins parce qu’il y a de plus en plus de séries, de feuilletons, de chanteurs… qui sont dans ces fluidités disons de genre et de sexualité, donc ils s’identifient à eux. Donc ils se cachent moins, donc ça veut dire aussi que les conséquences sont qu’il peut y avoir plus de discriminations.
Quels conseils donner aux parents qui sont confrontés à ça ?
Pour des parents qui constatent que leur enfant subit des discriminations, là il faut absolument agir parce que c’est déflagrateur. Surtout à ce moment de l’adolescence où on construit son identité, on a quand même besoin de développer une certaine image de soi, une certaine fierté d’être soi, et ça peut briser une construction psychique pour la vie d’être l’objet de discriminations. Donc il faut prendre ça extrêmement au sérieux et faire tout ce qui est possible, en alertant le directeur d’établissement, le conseiller pédagogique, le médecin scolaire, enfin qui on peut, pour pouvoir commencer à mettre en place quelque chose autour de ça. D’abord pour que ceux qui sont auteurs de discriminations soient repérés et sanctionnés, et pour que l’adolescent se sente soutenu par rapport à qui il est
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